La loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a apporté un changement majeur à la situation des loueurs en meublé en matière de charges sociales.

Ainsi, à partir du 1er janvier 2021, les loueurs en meublé professionnels (LMP) au sens de l’impôt sur les revenus (IR) deviennent assujettis aux cotisations sociales de travailleurs non-salariés (TNS). Conditions pour être LMP.
– CF encadré –

Au titre de 2020, seuls les loueurs en meublé en courte durée (location à des personnes ne faisant pas du bien leur résidence principale) dont les loyers étaient supérieurs à 23 000 € devaient être assujettis aux cotisations sociales de TNS (sauf s’ils avaient confié un mandat de gestion à un professionnel de l’immobilier soumis à la loi dite « loi Hoguet »). Ils pouvaient cependant opter pour relever du régime général plutôt que du régime TNS si leur loyer étaient inférieurs à 72 600 € . La situation de ces loueurs en meublé en courte durée est inchangée à partir de 2021.

Cet article vise à quantifier les coûts supplémentaires induits par cette réforme pour les LMP déclarant au réel. Les cotisations sociales des TNS sont assez complexes à modéliser. Il ne s’agit pas d’appliquer un simple pourcentage à une assiette. Il y a des tranches, des forfaits, des cotisations minimales… Pour simplifier, admettons que, pour une assiette positive variant entre 5 000 € et 200 000 € le taux variera de 38 % à 27 % (assiette AVANT déduction des cotisations sociales et prélèvements sociaux). Ci-après, le tableau récapitulatif des cotisations sociales applicables à un loueur en meublé.

Assiettes et taux de cotisations sociales au lmnp 2021
(Source : https://www.secu-independants.fr)

Assiettes et taux de cotisations 2021

Il faut également noter que les cotisations sociales sont déductibles du résultat c’est-à-dire que pour les calculer, il faut les déduire de leur base de calcul. Un calcul « en dedans » est nécessaire.

Petit exemple pour illustrer ces propos :
Prenons le taux de cotisation de la retraite de base des TNS qui est de 17.75 % jusqu’au plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), lequel est de 41 136 € pour 2021.

Admettons que notre résultat avant prise en compte de cette cotisation retraite s’élève à 10 000 €.
Le calcul de la cotisation retraite de base sera le suivant : (10 000 / 1.1775) x 0.1775 = 1 507.43
Le résultat après prise en compte de la cotisation retraite de base sera donc de 10 000 – 1507.43 = 8 492.57.
La cotisation retraite de base s’élèvera bien à 8 492.57 x 17.75 %, soit 1 507.43. Cette valeur représente
15.07 % du résultat avant charges sociales, et non 17.75 %.

Cette notion est importante car elle permet de mieux comparer les taux de cotisations sociales TNS avec les taux des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, prélèvements sociaux qui ne sont pas déductibles de leur assiette de calcul – Seule une partie de la contribution sociale généralisée (CSG) est déductible de l’IR de l’année suivante. Rappelons ici que dès lors que le LMP sera soumis aux charges sociales de TNS, il ne sera plus redevable des prélèvements sociaux de 17.2 % sur les revenus du patrimoine.

Par ailleurs, même avec un résultat déficitaire, le loueur en meublé devra des cotisations sociales. En effet des cotisations minimales existent et sont récapitulées dans le tableau ci-dessous. Ce document fait ressortir une cotisation minimale de 1 145 €. Pourtant, en pratique, la sécurité sociale des indépendants (SSI) appelle une somme plus élevée (1 246 pour 2021). La différence provient du calcul des CSG et CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale). – CF encadré –

Cotisations et assiettes minimales 2021
(Source : https://www.secu-independants.fr)

Cotisations et assiettes minimales 2021

La loi prévoit que la base de calcul de ces prélèvements sociaux est constituée du résultat augmenté des charges sociales obligatoires. La méthode de calcul de la sécurité sociale des indépendants (SSI) consiste à ramener à zéro le déficit, puis d’additionner les charges sociales. De la CSG et de la CRDS sont donc calculées sur les cotisations sociales minimales- donc hors contribution à la formation professionnelle continue qui est une taxe et non une cotisation sociale. C’est ce qui explique l’écart de 101 € (1 246 – 1 145).

A notre avis cette méthode n’est pas conforme aux textes légaux. En effet, le législateur a défini la base de calcul des CSG et CRDS comme le résultat « social » additionné des charges sociales obligatoires. Il n’est pas prévu que le déficit éventuel soit ramené à zéro avant d’additionner les charges sociales ! L’écart sur l’appel de contribution étant relativement faible (101 €) par contribuable, aucune procédure n’a dû être engagée contre la SSI à ce jour.

Compte tenu de ces éléments, nous avons calculé :
– Le coût des cotisations sociales des loueurs en meublé en fonction de leur résultat AVANT prise en compte desdites cotisations sociales.
– La prise en compte de l’économie d’impôts sur les revenus compte tenu d’un taux marginal de 30 % et de 45 %.

tableau expertim 1

Le calcul définitif doit prendre en compte la suppression des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, en cas d’affiliation aux charges sociales – Pour être complet il y a lieu de corriger le résultat obtenu de la déductibilité à l’IR d’une partie de la CSG (6.8 %). Les résultats sont récapitulés dans le tableau suivant.

Il ressort de ces éléments que la décision du législateur de soumettre aux charges sociales TNS, les loueurs en meublé professionnels au sens de l’IR, va forcément diminuer les résultats de ces derniers ainsi que la rentabilité de leurs investissements.

Consolons-nous en nous disant que cette affiliation entraînera des droits en termes de protection sociale et de retraite !

En cas de cotisations minimales de SSI, le loueur en meublé validera 3 trimestres. Il ne pourra pas cependant valider plus de 4 trimestres par an s’il cotise par ailleurs, par exemple au régime général en tant que salarié.

Notons quand même que le calcul du supplément de charges résultant de la décision du législateur, ne consiste pas à ajouter les charges sociales calculées selon les taux présentés par la SSI.

Même si l’on peut affirmer que tous les LMP qui n’étaient pas soumis à charges sociales avant le 1er janvier 2021 vont voir leurs coûts augmenter, cette augmentation ne sera pas uniforme. Nos calculs montrent que pour un contribuable imposé à un taux marginal de 45 %, l’augmentation annuelle varie entre 350 €, pour un résultat avant prise en compte des charges sociales de l’ordre de 6 800 €, et 4 415 € pour un résultat avant prise en compte des charges sociales de 200 000 € – nous parlons bien de résultat et non de montant de loyers.

Les LMP déficitaires verront leurs coûts augmenter de 700 € (si taux marginal d’IR de 45 %) ou 880 € (si taux marginal d’IR de 30 %), compte tenu de l’existence des cotisations minimales.

Là où le changement sera plus significatif, c’est en cas de cession du (ou des) bien(s) loué(s) meublé(s). En effet, pour les LMP, les plus-values relèvent des plus-values professionnelles. Il existe un régime d’exonération d’IR à l’article 151 septies, sous réserve, entre autres, d’avoir exercé à titre professionnel pendant au moins 5 ans. En revanche, sur le plan social, cette exonération n’est pas applicable aux plus-values à court terme. Ces plus-values correspondent aux amortissements qui ont été déduits tout au long de la détention du bien et de sa location meublée. Elles peuvent représenter des montants significatifs. L’étude d’impact du projet de loi a exposé qu’un décret devrait paraître prochainement pour préciser certains aspects pratiques. En particulier, il est noté que « lorsque la location est effectuée par le biais d’une personne morale, par exemple par une société civile immobilière (SCI), il n’y a pas d’obligation d’affiliation ». Rappelons à ce niveau qu’une activité de location meublée exercée au sein d’une SCI fait relever automatiquement cette dernière de l’impôts sur les sociétés (IS). Cette remarque de l’étude d’impact nous laisse à penser cependant que les activités de location meublées exercées au sein de SARL de famille, ne provoqueront pas automatiquement l’affiliation des associés au régime des TNS, même s’ils sont LMP au sens de l’IR. C’est la situation de la gérance qui entrainera, ou non, ladite affiliation.

La création de SARL de famille pour accueillir une activité de location meublée pourrait être un bon outil, entre autres, pour échapper aux cotisations sociales des LMP.

La situation des non-résidents LMP au regard des cotisations sociales

Les non-résidents loueurs en meublé en France et dont les loyers sont supérieurs à 23 000 € sont devenus, souvent malgré eux, LMP depuis 2020, dès lors qu’ils n’ont pas de revenus d’activité en France (ou un revenu inférieur à leur chiffre d’affaires de loueur en meublé). A partir de 2021, ils devraient donc s’affilier à un régime de sécurité sociale. Toutefois, pour les non-résidents européens, la législation européenne prévoit que chaque contribuable soit soumis aux cotisations sociales d’un seul régime de sécurité sociale, à savoir celui du pays de résidence et de l’activité principale. A notre avis, ils ne devraient donc pas cotiser à la SSI en tant que LMP.

Rappelons également que depuis le 1er janvier 2019, les non-résidents relevant du régime de sécurité sociale d’un autre état membre de l’espace économique européen (EEE – Union européenne, Islande, Norvège et Liechtenstein) sont exonérés de CSG et CRDS (9.7 %). Ils restent redevables des autres prélèvements sociaux à 7.5 % sur leurs revenus immobiliers et plus-values immobilières de source française, mais passent ainsi d’un prélèvement de 17.2 % à un prélèvement de 7.5 %.

Rappel des conditions pour être qualifié de LMP au sens de l’IR

Le loueur en meublé doit satisfaire à deux conditions pour être qualifié de LMP (depuis le 1er janvier 2020) :

  • Les loyers de location meublée de l’ensemble des membres du foyer fiscal doivent être supérieurs à 23 000 €
  • Ces loyers doivent être supérieurs aux revenus d’activité (ou revenus professionnels) du foyer fiscal, pensions retraites incluses.

Il résulte de ces règles que le loueur en meublé peut être LMP au titre de l’année N, puis devenir loueur en meublé non professionnel (LMNP) au titre de l’année N + 1, par exemple parce qu’il aurait reçu une prime importante au titre de son activité salariée en N + 1. Il serait donc soumis aux charges sociales TNS en N, puis ne le serait plus en N + 1 dans la mesure où il « basculerait » LMNP au sens de l’IR…

L’étude d’impact qui accompagnait le projet de loi de financement de la sécurité sociale évoquait la possibilité, à confirmer par un décret, que les LMP qui deviendraient assujettis aux charges sociales de TNS en tant que LMP, resteraient affiliés même s’ils devaient devenir LMNP au cours des années suivantes. Cette règle, si elle devait être effective, nous paraît totalement injuste, inégalitaire et, à notre avis, non conforme à notre constitution.

Une difficulté pratique peut également être évoquée : nous ne savons réellement si nous sommes LMP ou LMNP que lorsque l’année est terminée, puisque le statut dépend des loyers et des revenus professionnels de l’année. Des affiliations aux charges sociales TNS devront alors être pratiquées de manière rétroactive. Pas simple…▪

yves bernard

Yves Bernard
Président et Expert-Comptable
EXPERTIM