Ça devait arriver !

La saga relative à la nécessité ou non d’être inscrit au RCS pour qualifier l’activité de location meublée de « professionnelle » ou « non professionnelle » … suite et, sans doute, fin.

Petit rappel des faits.

En février 2018, le Conseil Constitutionnel estime illégitime d’être obligé de s’inscrire au registre du commerce et des sociétés (RCS) pour être qualifié de loueur en meublé professionnel (LMP) . Cette décision s’inscrivait dans le cadre de l’application ou non d’un régime d’exonération de plus-values pour un contribuable loueur en meublé, mais non inscrit au RCS.

Le Conseil Constitutionnel n’a fait que rappeler que l’activité de location meublée est une activité CIVILE et qu’il était absurde d’exiger des personnes exerçant cette activité de s’inscrire au registre du COMMERCE.

L’application de cette décision a eu des conséquences en matière de charges sociales.

En effet, par le passé et en pratique, c’était l’inscription au RCS qui déclenchait l’assujettissement aux charges sociales, même si, à notre avis, cet assujettissement n’avait pas lieu d’être.

Pour les personnes qui cherchaient une couverture sociale à peu de frais, la location meublée avec inscription au RCS était une bonne opportunité.

Suite à la décision du Conseil Constitutionnel et à une recommandation du comité de coordination du registre du commerce et des sociétés, à ce jour, l’inscription au RCS des loueurs en meublé n’est plus possible.

L’an dernier, le législateur a « mis à jour » les règles concernant la qualification de professionnelle ou non de la location meublée, au sens de l’impôt sur les revenus (IR), afin d’être conforme à la décision du Conseil Constitutionnel (Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 – 49). Il n’a cependant pas touché aux textes relatifs à l’aspect social. L’article L 611-1 du Code de la sécurité sociale faisait alors référence à un alinéa qui avait été abrogé (Le 1° du 2 du IV de l’article 155 du CGI).

Plusieurs personnes ont alors estimé que, compte tenu de cette évolution des textes, les loueurs en meublé professionnels au sens de l’IR devaient être assujettis aux charges sociales. A notre avis, il n’en était rien : seuls les loueurs en meublé dont le chiffre d’affaires (CA) de location de courte durée dépassait 23 000 € sont assujettis aux charges sociales, et à notre avis sur leur seule activité de location de courte durée.

Le législateur rectifie le tir cette année en modifiant l’article L 611-1 précité avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 qui prévoit d’assujettir aux charges sociales tous les loueurs en meublé qualifiés de professionnel au sens de l’IR.

Voilà une bien mauvaise nouvelle pour tous les LMP, y compris ceux qui sont devenus professionnels au sens de l’IR bien malgré eux, à cause de la suppression de la condition d’inscription au RCS !

 

Rappelons que les loueurs en meublé professionnels au sens de l’IR sont ceux qui remplissent les deux conditions suivantes :

  • Les loyers issus de la location meublée, de l’ensemble des membres du foyer fiscal, sont supérieurs à 23 000 €
  • Ces loyers (et non le résultat de l’activité de location meublée) sont supérieurs aux revenus d’activité (y compris pensions et retraites) du foyer fiscal.

Certains professionnels évoquent le fait que ces nouvelles règles seraient applicables dès 2020. Cela me paraît bien injuste et je ne vois pas ce qui pourrait justifier une telle rétroactivité. Le législateur a oublié de modifier l’article L 611-1 du Code de la sécurité sociale l’an dernier… certes, mais cela ne justifie pas de modifier les règles rétroactivement !

J’ai pu également lire ou entendre que le loueur en meublé, dès lors qu’il serait assujetti aux charges sociales, le serait pour les années qui suivent, même s’il devenait loueur en meublé non professionnel (LMNP). Ça c’est quand même fort ! Cela voudrait dire que des personnes sous statut fiscal identique (LMNP), exploitant de la même manière en entreprise individuelle, pourraient avoir un traitement différent en matière de charges sociales au titre d’une année. Là, j’avoue que l’on atteint des sommets d’injustice et d’iniquité. Je n’ose pas y croire. Si le législateur venait à en décider ainsi, j’espère quand même que le Conseil Constitutionnel le rappellerait à l’ordre.

Cela dit, cette remarque fait ressortir le fait que les loueurs en meublé peuvent être au titre d’une année LMP et au titre de l’année suivante LMNP. En effet, dès lors qu’il dépasse 23 000 € de CA au titre d’une année, le loueur en meublé peut être LMNP ou LMP au titre de cette année. Sa qualification fiscale dépend de ses autres revenus et de ceux des autres membres de son foyer fiscal. Ses autres revenus, voire les autres revenus des membres de son foyer fiscal, peuvent évoluer en fonction d’aléas qu’il ne maîtrise pas forcément (une rémunération variable, une prime octroyée ou non, une situation de chômage, une longue maladie, une reconversion professionnelle, une pandémie ou les gilets jaunes qui font chuter le CA du commerçant, une séparation, un divorce, un mariage…). Cela ne va pas être simple, d’autant que la véritable qualification fiscale du loueur en meublé (LMP ou LMNP) ne peut être connue qu’en fin d’année dans la mesure où elle dépend des autres revenus qui ne sont précisément connus qu’au 31 décembre. Il faudra donc assujettir aux charges sociales notre loueur en meublé, en début d’année N+1, au titre de l’année N… J’ai peur que la sécurité sociale des indépendants (SSI) lui applique des pénalités de retard de déclaration et de paiement ! Et donc, pour l’année d’après s’il devient à nouveau LMNP, il faudra le radier de la SSI rétroactivement et demander un remboursement des cotisations versées… Ouf, toujours pas simple.

Cela dit, il paraît que le législateur est en train de réfléchir à des simplifications sur le sujet. Souhaitons qu’il arrive à en faire un vrai choc !

Pour finir sur une note un peu optimiste, rappelons qu’au SSI, lorsque le travailleur non salarié est en déficit, ce qui peut être le cas de bon nombre de loueur en meublé, la cotisation minimale de charge sociale est de l’ordre de 1 300 €, avec validation de 3 trimestres tout en permettant une couverture sociale. Mais bon, tous les loueurs en meublé n’en ont pas forcément besoin, bon nombre d’entre eux sont par ailleurs salariés, retraités ou artisan/commerçant/profession libérale.

Et pour vraiment être complet, évoquons l’opportunité de créer des sociétés de location meublées. Elles devraient pouvoir permettre de contourner cette règle des charges sociales pour le LMP.

Rappelons enfin, que, pour l’heure, il ne s’agit que d’un projet de loi qui peut évoluer lors des débats parlementaires.

 

Yves BERNARD
Président – Expert-Comptable
EXPERTIM